logo_100_chasse_peche.png

Édition septembre 2024

SAUVAGINE

Par François Lévesque

Les fusils à canons multiples
ont-ils encore leur place?

Les fusils à canons multiples, qu’ils soient superposés (canons un par-dessus l’autre) ou juxtaposés (canons un à côté de l’autre), ont longtemps été l’arme de choix de la plupart des chasseurs de gibier d’eau. C’était bien sûr avant le perfectionnement et la démocratisation des armes semi-automatiques telles que nous les connaissons aujourd’hui.

La puissance de feu (possibilité de trois coups au lieu de deux), le recul amoindri et la durabilité des composantes des fusils semi automatiques ont permis à ce type d’arme de surpasser les fusils à canons multiples dans le marché des armes pour sauvagine.

Pourtant, la beauté des armes à deux canons est difficile à surpasser. Certains modèles de base ont un design assez élémentaire mais beaucoup de ces fusils sont de véritables œuvres d’art.

De plus, chasser la sauvagine avec une de ces armes à la main fait souvent naître le sentiment de connecter avec la chasse d’une manière unique, de revivre le passé glorieux des anciens chasseurs de marais, ce qu’une arme semi-automatique moderne ne peut offrir. Voyons ensemble les pours et les contres de ces fusils à canons multiples dans le contexte moderne de la chasse au gibier d’eau.

Plusieurs fusils à deux canons sont de véritables œuvres d’art.

La nature des matériaux

La plupart des armes semi-automatiques modernes sont construites à même des matériaux synthétiques qui résistent aux conditions extrêmes que le sauvaginier leur impose : boue, neige, pluie, chocs dans la remorque ou encore le gel. Les plastiques de ces armes et leurs revêtements en cerakote ou autres sont très résistants à la boue et à la pluie de même qu’au frottement et sont généralement faciles d’entretien. Une entreprise reconnue dans le domaine offre même un revêtement de canon qui garantit les dommages causés par la rouille pour 25 ans!

À l’opposé, la grande majorité des armes à canons superposés ou juxtaposés viennent avec une crosse de bois et un acier bleuté. Cet acier offre une certaine protection contre la rouille en raison du procédé de bleuissement qui, si une huile est appliquée, peut s’avérer efficace.

Peu de chasseurs entretiennent cependant le bleu de l’acier avec de l’huile de manière régulière ce qui finit par donner un acier rouillé au fil de l’exposition à l’eau et la neige.

Même chose du côté des bois qui, s’ils sont trimbalés dans la boue et la neige, peuvent finir par s’user prématurément, sans compter les nombreuses marques laissées par le transport au champ ou dans la remorque.

Les armes modernes avec un revêtement en Cerakote comme celle illustrée ici sont généralement très résistantes aux intempéries.

Certains modèles de fusils à canons superposés sont cependant fabriqués à partir des mêmes matériaux synthétiques que les semi automatiques. Traitez-moi de tous les noms si vous voulez, je trouve ces armes fort laides quand elles sont accoutrées en synthétique. Un truc utilisé par plusieurs propriétaires de deux canons lorsqu’ils chassent dans une cache au fond boueux : déposez votre arme au fond d’une chaudière propre déposée au fond de la cache, cela empêchera la crosse de bois de tremper dans la boue pendant des heures.

La puissance de feu

Vous l’aurez compris, deux canons signifient deux coups seulement, alors que les trois coups du semi-automatique vont servir à abattre un oiseau supplémentaire dans une volée ou encore à achever un oiseau blessé rapidement alors qu’il se sauve dans la vague ou dans une ligne de drainage au champ. L’avantage est clairement du côté semi-auto pour ce genre de situations.

Le troisième coup qu’offre le fusil semi-auto est un avantage indéniable pour récolter un troisième oiseau dans une volée ou pour achever un oiseau blessé.

Par ailleurs, en ces temps de restrictions pour la Bernache du Canada, alors que la limite en saison forte est à deux oiseaux pour encore quelques années, posséder un deux coups ajoute un peu de défi à une activité qui pourrait s’avérer autrement moins enlevante. Six appelants, un bon vieux casseux et deux balles dans les poches, c’est le challenge du jour!

De plus, le fait de n’avoir que deux coups peut aussi favoriser l’apprentissage de la relève. En effet, les jeunes ayant en main un semi-automatique ont souvent tendance à utiliser la puissance de feu de leur arme lorsqu’un mur d’oiseau apparaît devant eux. Ils se disent sûrement que les oiseaux sont dans une formation si compacte que ça finira bien par tomber alors que le résultat est nul la plupart du temps.

Le fait de n’avoir que deux cartouches force le débutant à mieux choisir la cible. Le mentor peut bien sûr mettre seulement une ou deux munitions dans le semi-automatique pour obtenir le même résultat mais c’est moins naturel pour l’apprentissage.

Le tir

Les considérations relatives au tir donnent l’avantage aux armes à deux canons. Plusieurs ont tendance à penser que, vu l’absence de mécanisme de rechargement, les armes à deux canons sont plus légères que celles à mécanisme semi-automatique. Il ne faut pas oublier que vous avez un canon supplémentaire et que les canons sont souvent les pièces les plus lourdes sur une arme.

Le poids des armes à deux canons et des armes semi automatiques est donc généralement assez similaire. À titre d’exemple, le poids annoncé du Browning Maxus II est de 7 livres et celui du superposé Franchi Steel est de 7,16 livres. Ajoutez la 3e balle dans le Maxus II et les deux munitions dans le Franchi et vous n’avez pas une grosse différence!

L’absence de mécanisme dans le fût des armes à deux canons et le fait qu’il soit plus mince, facilitent la prise en main et aident à faire de meilleurs tirs.

Un avantage certain avec l’arme à deux canons dans la cache : les douilles sont éjectées vers l’arrière et non vers le visage et les yeux de vos compagnons de chasse.

Vous pouvez aussi choisir entre le mécanisme à éjection (les douilles sont propulsées à une certaine distance de l’arme suivant la percussion initiale et l’ouverture du mécanisme) et à extraction (les douilles sont simplement soulevées de la chambre par le mécanisme lors de l’ouverture et restent en position jusqu’à ce que le chasseur les retire manuellement).

Le mécanisme à éjection permet de recharger plus rapidement mais vous oblige à chercher vos douilles parfois dans la boue et dans l’eau alors que le mécanisme à extraction vous permet de disposer directement des douilles, retardant au passage l’insertion de nouvelles cartouches non percutées.

L’absence de mécanisme dans le fût des armes à deux canons permet aussi d’ajuster la prise en main de manière très perfectionnée et, de manière générale, le tir se trouve amélioré par un fût plus mince.

À noter que l’arme semi-automatique fonctionnant à inertie ne comporte pas de mécanisme dans le fût mais dans la culasse et la crosse, contrairement aux armes fonctionnant par système d’emprunt des gaz.

Cette même absence de mécanisme dans les multitubes amène cependant un recul plus important qu’avec les armes semi-automatiques car il n’y a aucun ressort ou rail pour absorber une partie du recul. Comme on dit en langage populaire, c’est direct sur la gueule!

La question qui tue : l’enrayage

Plusieurs sauvaginiers, comme moi, ont appris à leurs dépens que les armes semi-automatiques s’enrayent. Je me suis procuré des armes à deux canons pour cette raison: plus de soucis d’enrayage!

Un des gros avantages des armes à deux cannons comparativement aux semi-automatiques : elles ne s’enrayent pas…

Bien sûr, certaines armes semi-automatiques sont de véritables tanks, mais au niveau de la fiabilité, les armes à deux canons sont imbattables: pas de mécanisme compliqué, peu d’entretien et possibilité d’enrayage rarissime! Vous ouvrez le mécanisme, mettez deux balles dedans, refermez le tout et bang! bang! Une simplicité hors de portée de toute arme à mécanisme semi-automatique, si moderne soit elle.

Une question épineuse

Tout bien considéré, les avantages et les inconvénients des deux types d’armes se balancent aisément lorsqu’il s’agit de chasse à cul-levé ou en solo.

Le plus grand désavantage selon moi est le fait que les armes à canons multiples ne sont pas adaptées aux caches avec une structure fermée en A (A-frame). Chasser avec une de ces armes dans ce type de cache à plusieurs chasseurs pose un probléme de sécurité évident : il faut ouvrir l’arme pour la recharger.

En effet, peu ou pas de caches de ce type offrent un dégagement suffisant pour permettre le rechargement sans devoir tourner l’arme vers la droite ou vers la gauche pour la refermer et la redresser, le canon ou la crosse accrochant inévitablement dans les murs de la cache. À titre d’exemple, les caches de type A frame mesurent en moyenne 60 pouces de large (152,4 centimètres). C’est plus qu’il n’en faut pour manipuler une arme qui fait en moyenne 48 pouces (121,92 centimètres).

A
Ajoutez le texte de votre infobulle ici
B
Ajoutez le texte de votre infobulle ici

Il faut peu d’espace pour manipuler une arme semi-automatique (en comparaison avec une arme à deux canons) en position sécuritaire (A). Mais c’est une autre histoire avec une arme à deux canons (B).

Cependant, à ce 60 pouces, il faut enlever l’espace occupé par le chasseur, soit en moyenne 23 pouces si vous êtes en forme, et de manière plus réaliste 30 pouces si vous aimez le gâteau et portez des vêtements.

Ce qui nous laisse un dégagement moyen d’environ 30 pouces, largement insuffisant pour une arme de 48 pouces de long.

Une personne habile pourrait sans doute parvenir à refermer son arme sans faire tomber les cartouches et sans s’accrocher à l’intérieur d’une telle cache mais la tendance naturelle que nous avons à rechercher la fluidité de mouvement fait en sorte que la plupart du temps, les chasseurs qui rechargent une telle arme se tournent légèrement vers la droite ou la gauche pour recharger, donc en direction des autres chasseurs.

C’est un risque minime mais il existe et notre devoir en tant que chasseurs responsables est d’éliminer le plus de risques possibles lors de nos sorties.

Il faut donc placer les chasseurs avec des armes à deux canons dans les bouts de cache, de manière à ce qu’ils aient un espace suffisant pour ouvrir et refermer l’arme de manière à ne pas pointer les autres chasseurs présents. Ils auront une tendance naturelle à pointer vers l’extérieur de la cache, là où ça n’accroche pas.

Cependant, comme les bouts de cache sont normalement occupés par le maître chien ou les gens qui devront récupérer les prises ce matin-là, il reste peu de place pour les afficionados des multitubes qui ne sont pas en forme ou qui n’ont pas de chien…

Conclusion

L’arme à canons multiples a très certainement une place dans la chasse moderne aux oiseaux migrateurs. Elle offre, plus que toute autre, une connexion avec le passé et j’oserais dire avec soi-même vu la possibilité accrue de personnalisation de l’arme par rapport à un semi-automatique en matériau de synthèse.

Ces armes combinent fiabilité et beauté en plus d’être généralement moins chères que les armes semi-automatiques.

Le chasseur responsable en fera cependant son arme de prédilection pour les chasses en solo, que ce soit à cul-levé, dissimulé dans une haie bien placée ou encore au marais.

Lors d’une chasse de groupe en cache de type A frame, la sagesse commande de s’abstenir ou encore de demander à occuper un des bouts de cache. Nous sommes responsables de notre propre sécurité et de celles de nos confrères.

Bonne saison!!

Les armes à canons multiples sont fiables et très sécuritaires. Elles sont idéales pour une chasse à la sauvagine en solo ou au cul-levé.

Retour en haut