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Édition septembre 2024

ORIGNAL

Comment j'exploite les souilles en tant que chasseur

Texte, photos et vidéo
Pier-Alexandre Tremblay

Chaque année, je reçois beaucoup de questions sur les souilles. Je constate qu’il y a une certaine frénésie qui s’installe chez les chasseurs lorsqu’on parle de ce signe automnal. Je me rappelle également lorsque j’étais plus jeune, trouver une souille était la porte qui me garantissait mon orignal. Il était fréquent d’entendre à quel point le succès de notre chasse serait excellent avec cette trouvaille. Je me suis penché plus sérieusement depuis plusieurs années sur cet indice de présence. En effet, en collaboration avec mon bon ami Jeff, nous installons des caméras dans des nids d’amour dans différents endroits au Québec dans différentes densités d’orignaux où je suis en mesure d’analyser les vas et viens des orignaux. Nous passons par la suite dans certains de ces secteurs vers la fin septembre ou début octobre, ce qui nous permet entre autres d’analyser les signes automnaux, estimer leur date de création avec l’aide de nos caméras installées dans des lieux névralgiques. L’analyse de mes vidéos ainsi que de mes expériences m’a permis d’identifier plus facilement ce qu’est un lieu névralgique dans un secteur afin de les exploiter plus efficacement en situation de chasse.

Depuis plusieurs années, l’auteur installe de nombreuses caméras dans des zones de rut ce qui lui a permis de mieux comprendre les souilles et leur utilisation par les orignaux dans les secteurs névralgiques.

Chronologie du rut chez le mâle

La majorité des chasseurs connaissent bien ce qu’est une souille, le mâle creuse un trou avec ses pattes avant dans un sol plutôt meuble puis il se positionne en «squat» pour uriner (voir photo en ouverture d’article). Cependant, je trouvais important de bien comprendre la chronologie des évènements jusqu’à ce comportement, c’est-à-dire à partir du début septembre jusqu’à la fin septembre.

La testostérone chez le mâle recommence à augmenter dès le printemps (responsable de la pousse des bois), elle augmente progressivement jusqu’à la fin septembre pour ensuite rediminuer. Les individus matures ont un niveau supérieur d’hormones androgéniques (principalement la testostérone chez l’orignal) que les jeunes. D’ailleurs, dès la fin août, la testostérone avoisine déjà 90% chez les grands mâles et c’est cette dernière qui est responsable entre autre de la nécrose des velours dès le début septembre. Les rations alimentaires diminuent progressivement chez les matures jusqu’à la cessation alimentaire complète (10-12 septembre) qui dure environ deux semaines. D’ailleurs, la médiane de la cessation alimentaire survient environ vers le 18-20 septembre, 10 jours avant le pic central du rut. C’est à ce moment que les propriétés incitatrices (odeur de rut) de l’urine sont maximales par un processus physiologique complexe. À partir de ce moment, les matures sont actifs, ils se promènent dans des lieux névralgiques en creusant des souilles, ils sont les premiers à créer des rapprochements chez les femelles. D’ailleurs, Dale G Miquelle a étudié la cessation alimentaire pendant une période de trois ans dans deux territoires complètement différents. Il a observé la plus grande proportion de souilles avant le pic centrale du rut.

Différentes souilles trouvées par l’auteur lors de séances de prospection ainsi qu’en situation de chasse. La majorité de ces indices de rut sont réalisés avant le pic du rut (18-20 septembre) alors que l’urine des bucks est la plus odorante.

Les lieux névralgiques

Pour faciliter la compréhension de ce qu’est un lieu névralgique, c’est très fréquemment dans un endroit plus reculé à proximité d’une zone nourricière. Il se situe sur une topographie planche (flanc de montagne, plateau, coulée) avec un sol plutôt meuble. Par expérience, ça se retrouve très souvent dans des milieux plus humides avec de la terre noir. Il est très fréquent que j’en trouve dans les dénudés humides, dans les forêts d’épinettes noires ou de sapins baumiers. La plupart du temps il y a un point de convergence dans ces secteurs où plusieurs sentiers mènent dans un endroit un peu plus dégagé et les souilles se retrouvent normalement à cet endroit. Il est également possible d’en voir dans un secteur où un mâle était de passage dans un habitat avec d’autres orignaux; je ne les calcule pas nécessairement comme un lieu névralgique du secteur. En fait, il est possible de voir une souille isolée dans un endroit une année et qu’il n’y ait plus rien les années suivantes. En fait, j’affirme fréquemment aux chasseurs que ce n’est pas la souille qui fait le secteur mais le secteur qui fait la souille. En d’autres mots, c’est l’habitat qui est propice et non pas les signes automnaux qui rendent l’endroit intéressant.

Exemple d’un secteur humide très fréquenté par les orignaux où vous êtes susceptibles de découvrir des souilles.

J’ai constaté avec le temps que les secteurs avec une forêt mature n’ayant subi aucune perturbation majeure sont les endroits les plus propices à ce que les signes automnaux y apparaissent année après année. Je l’explique entre autre par la stabilité de la forêt. Contrairement aux jeunes forêts qui sont très instables et changent très rapidement. Pour tout vous dire, j’ai beaucoup plus de difficulté à trouver un lieu névralgique où les signes sont récurrents dans le même secteur dans une jeune forêt comparativement à une forêt mature où ça se passe plus régulièrement dans le même périmètre.

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Chasser les lieux névralgiques

L’élément le plus important à bien comprendre en situation de chasse, c’est la période. Il est selon moi largement plus difficile de chasser efficacement sans bien comprendre la dynamique du rut dans les dates que vous chassez. Par exemple, de mon expérience, je vous dirais que la majorité des souilles que je trouve à la chasse ont été faites avant le 24 septembre et elles sont souvent inactives à mon arrivée. Toutefois, je trouve encore des souilles actives ou odorantes à la fin septembre et même parfois en début octobre, mais c’est beaucoup moins fréquent.

Lorsqu’il trouve une souille fraîche, l’auteur n’hésite pas à s’y vautrer pour imprégner ses vêtements de l’odeur de rut qui s’en dégage…

Il arrive régulièrement qu’on me pose la question: est-ce que chasser à une souille c’est bon? La réponse va grandement varier selon plusieurs critères. Une souille que vous découvrez le 8 octobre, qui a été réalisée aléatoirement dans un habitat, qui n’est plus odorante, qui n’est plus visitée par aucune bête, est à mon avis inintéressante comme découverte. Par contre, dans une situation où vous arrivez dans un point chaud de votre secteur le 8 octobre où il y a des souilles année après année, même si elles sont inactives/inodores, ce type de secteur (lieu névralgique) demeure à considérer. On y trouve souvent un habitat propice où les orignaux circulent naturellement en automne en raison de l’agglomération de plusieurs sentiers. Il peut être alors très pertinent d’émettre des vocalises dans ce secteur et d’attendre quelques temps, surtout s’il y a des signes de présence récents.

La période qui est à mon avis la plus intéressante lorsqu’on trouve ce type de signe, c’est dans les environs du 18-20 septembre. Par exemple, vous arrivez dans un point chaud du secteur le 21 septembre où il y a des souilles odorantes, c’est probablement la période où j’accorderais le plus d’intérêt à ce type de trouvaille. Dans ces dates précises, les matures sont très actifs et très réactifs à toutes formes de provocation, particulièrement dans les endroits où ils laissent leur carte postale par le biais de leur urine dans les souilles.

MARK RAYCROFT

Vers le 20 septembre en présence de souilles fraiches les mâles matures sont très susceptibles de réagir fortement à toutes formes de provocation du chasseur.

En tant que chasseur, il faut garder en tête que la souille est un signe où le potentiel de chasse est très éphémère et propre à une période précise (durée intense de l’activité à une souille selon nos observations seraient d’environ 24 à 48 heures). Je recommande de privilégier les secteurs qui hébergent sur une base récurrente ces vestiges automnaux surtout dans la deuxième moitié de septembre, non pas car ils sont incontournables pour les chasseurs, mais parce que ce type d’endroit est souvent fréquenté par les orignaux durant le rut.

L’auteur posant avec un beau mâle récolté en octobre dans un secteur de rut comportant plusieurs indices de présence.

Pour terminer...

Pour terminer, chasser une souille pendant une semaine est à mon avis dans bien des cas une perte de temps. Je vous invite à garder en tête, la période que vous chassez, de bien identifier le secteur où les souilles ont été faites et la date de création des signes. En considérant ces facteurs, vous serez en mesure de mieux établir vos priorités. Un séjour de chasse se compte parfois en quelques jours et chaque journée est très importante. J’en profite pour vous souhaiter une bonne saison de chasse et surtout, la bête de vos rêves!

L’auteur sur le terrain, dans un nid d’amour d’orignaux, donne des informations complémentaires à son article.

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