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Édition septembre 2024

GROS GIBIER

La période de maturation ou le vieillissement des viandes

Par Réjean Lemay

C’est souvent sous l’appellation de vieillissement des viandes que l’on désigne la période d’entreposage des viandes, mais c’est plutôt le terme de maturation qui devrait prévaloir. Peu importe l’appellation, ce que le chasseur veut savoir c’est la durée d’entreposage. Plusieurs espèrent une période de maturation d’une quinzaine de jours mais peu de carcasses peuvent être soumises à une si longue période d’entreposage sans encourir des pertes de viande supplémentaires, surtout chez l’orignal.

La durée de la période de maturation dépend de plusieurs facteurs comme le délai entre la mort de l’animal et son éviscération, la température lors de l’abattage, le refroidissement de la carcasse, l’aération durant le transport et la température lors de l’entreposage.

Pourquoi une période de maturation ?

Pourquoi une période d’attente est-elle nécessaire? L’âge et l’effort favorisent la formation de collagène et d’élastine dans les fibres musculaires. La période de maturation permet aux enzymes protéolytiques d’effectuer leur travail de destruction de l’élastine et du collagène. Ces enzymes protéolytiques agissent un peu comme un Pac-Man qui mange des Pac-Gummies. Plus la période de maturation est longue plus les enzymes détruisent les tissus comme l’élastine et le collagène, ce qui vous permet d’obtenir une viande plus tendre.

Le délai entre la mort et l’éviscération

Après la mort d’un animal, il faut procéder à son éviscération le plus rapidement possible pour s’assurer de la comestibilité des chairs. Le retard de l’éviscération a une influence directe sur la qualité de la viande. Les sucs gastriques contenus dans l’estomac continuent leur travail même après la mort de la bête. La panse gonfle et exerce une pression interne. La présence des viscères retarde le refroidissement de la carcasse en empêchant la chaleur de s’échapper. Un retard de l’éviscération causera graduellement la dégradation des chairs par l’intérieur ce qui peut entrainer une perte partielle ou totale de la carcasse.

Il y a un délai d’un peu moins de trois heures avant qu’il y ait un début de dégradation des chairs de «chauffaison». Ce délai n’est pas fixe et dépend surtout de la température externe. Plus la température est élevée, plus le délai est court. Un orignal récolté au début de septembre alors que vous chassez en T-shirt ne bénéficie que d’un délai très court, une heure trente tout au plus, avant le début de la dégradation des chairs. Pour un gibier abattu à la mi-octobre, alors que la température est plus froide, le délai est nécessairement plus long. Le même principe s’applique si une bête a été abattu le midi et une autre en fin de journée. Ce qu’il faut retenir, c’est que plus votre animal est éviscéré rapidement, meilleures sont vos chances d’obtenir une venaison de qualité, peu importe la température.

La température lors de l’abattage

La température lors de l’abattage est un des facteurs déterminants dans la préservation de votre venaison. Plus la température externe est élevée, plus il est difficile de refroidir l’animal. La température animale est d’environ 38°C (96/97°F), imaginez le temps nécessaire pour abaisser la température en bas de 10°C (50°F). Idéalement, il faut s’efforcer d’atteindre une température se situant à 5°C (41° F) et moins. La prolifération des bactéries est ralentie à 10°C (50°F) mais reste tout de même présente.

Le refroidissement

Après l’éviscération, le refroidissement de la carcasse doit être votre principale préoccupation. Pour y parvenir, il faut prioriser la coupe de la carcasse en quartiers et les accrocher le plus rapidement possible. Il est parfois préférable d’accrocher les quartiers sur une pôle en forêt et de revenir les sortir le lendemain. La fraicheur de la nuit contribuera grandement au refroidissement des quartiers qui seront plus facile à transporter.

Il est parfois préférable d’accrocher les quartiers sur une pole en forêt et de revenir les sortir le lendemain.

Favorisez les endroits où il y a une bonne circulation de l’air et surtout à l’abri du soleil tel que les abords des plans d’eau, les îles et les presqu’îles. Les forêts matures ou de conifère sont des endroits plus frais car le soleil n’y pénètre que difficilement. Ces lieux peuvent servir d’entreposage pour une courte période, s’il y a une bonne circulation de l’air. Vous pouvez, à tout le moins, séparer la carcasse en deux parties en faisant une coupe longitudinale. Les deux demies doivent être espacées de quelques pieds pour favoriser la circulation de l’air entre elles, mais je préconise la coupe en quartiers.

Dans votre trousse d’éviscération, il serait sage d’avoir un ou deux petit thermomètre (idéalement numérique) pour suivre la courbe de la température.

La température après une nuit froide. Le thermomètre a été placé près de l’os du bassin, la partie la plus épaisse de la cuisse. Remarquez aussi la présence du coton à fromage.

Frigidaire

Un orignal pendu en entier dans un réfrigérateur n’est pas à l’abri d’une perte due à la chaleur. Une bête récoltée par une journée chaude, qui est accrochée en entier avec la peau peut chauffer, même dans un réfrigérateur. Il est très difficile d’abaisser la température d’une si grosse masse. Évitez que les bêtes ou les quartiers se touchent. Laissez toujours un espace entre chaque pièce.

Prenez soin de vérifier la température à l’intérieur du frigidaire pour éviter les mauvaises surprises. Plusieurs facteurs peuvent influencer la température : compresseur défectueux, une mauvaise isolation ou une porte ouverte trop longtemps.

L’aération durant le transport

Même si les quartiers sont refroidis, vous devez favoriser la circulation de l’air durant le transport. Placez des rondins sur le plancher pour surélever les quartiers d’environ 15 cm et plus si possible afin de favoriser la circulation de l’air. Garder une fenêtre ouverte suffira pour que l’air circule librement entre les quartiers.  

Par une journée chaude, j’ai placé les quatre quartiers d’un orignal avec une température interne de 5°C dans ma camionnette, sur un plancher surélevé durant un trajet de 7 heures. À mon arrivée le thermomètre indiquait 8°C, soit seulement trois degrés de différence, même en plein soleil.

Des morceaux de bois sont placés sur le plancher de la camionnette pour surélever les quartiers afin de favoriser la circulation de l’air durant le transport.

Le coton à fromage

Le coton à fromage en tube (étamine) est un élément indispensable à inclure dans votre équipement. Son utilisation est la meilleure façon de protéger adéquatement votre viande contre l’invasion des mouches à vers. Il existe aussi des sacs conçus pour les quartiers. Assurez-vous d’acheter les bons formats de ces sacs réutilisables.

Il est très important de bien essuyer et assécher la membrane (la plèvre) à l’intérieur des quartiers. Nettoyer les épanchements de sangs causés par les projectiles ainsi que tous les endroits humides.

Les œufs sont pondus dans les blessures, les vaisseaux sanguins, les oreilles, les narines, la bouche ainsi que les endroits humides. Les œufs se transforment en asticots (vers) en moins de douze heures lors d’une journée chaude. Les larves se propagent sur les quartiers et migrent à l’intérieur des chairs par le biais des blessures et des vaisseaux sanguins. Je vous laisse imaginer la suite.

Les quartiers se transportent plus facilement lorsqu’ils sont refroidis. De plus l’utilisation du coton fromage est la meilleure façon de protéger adéquatement votre viande contre l’invasion des mouches à vers.

La température d’entreposage

La température d’entreposage devrait se situer entre 4°C et 2°C (39°F à 35°F). Pendant toute la durée de la période de maturation les quartiers devraient être recouverts de leur peau. Une carcasse dépiautée ne devrait pas être entreposée pour plus de sept jours. La peau est une protection naturelle et protège la carcasse contre la dessication, soit l’évaporation de l’humidité dans les chairs.

La température idéale pour la maturation de la viande se situe entre 4°C et 2°C (39°F à 35°F).

Un tableau

Voici un tableau qui, je l’espère, pourra vous aider à déterminer la durée de la période de maturation.

En fixant la période de maturation à 12 jours, il vous suffit de déduire chaque manquement à la période de 12 jours.

La première colonne de gauche représente les six étapes. La seconde colonne représente les conditions idéales pour une période de 12 jours.

Dans les colonnes 3, 4 et 5 chaque manquement représente une déduction ex; un retard de l’éviscération de 3 hres – 1 jour, un long refroidissement – 2 jours donc on enlève 3 jours pour une  période de maturation totale de 9 jours.

Dans la colonne 4, si plusieurs éléments sont présents, une période de 5 jours est tout de même envisageable.

Dans la colonne 5 si plusieurs éléments sont réunis, il y a de fortes chances qu’il y ait une perte partielle ou totale de la carcasse.

1 2 3 4 5
Enlever 1 jour
Enlever 2 jours
Enlever 3 jours
Délai avant l'éviscération
Moins de 3 heures
Plus de 3 heures
Plus de 4 heures
Plus de 6 heures
Température lors de l'abattage
Froide moins de 10°C
Moyenne entre 10°C à 15°C
Chaude entre 15°C à 20°C
Élevée plus de 20°C
Refroidissement
Rapide moins de 24 hres
Moyen +/- 24 hres
Long entre 24 à 36 hres
Long
Coupes en quartiers
Oui
Non
Non
Aération durant le transport
Très bonne
Moyenne
Faible
Absente
Température lors de l’entreposage
Idéale 2°C à 4°C
Moyenne + 5°C
Chaude plus de 11°C
Totale de la durée de maturation
12 jours

Conclusion

La bête que vous venez de récolter a une saveur qui lui est propre mais vous pouvez améliorer son niveau de tendreté par une période de maturation adéquate. Quant à la qualité des chairs, elle dépend des soins que vous apporterez à votre venaison après sa mort, du lieu d’abattage jusque chez le boucher. Un animal récolté en forêt ne peut se comparer à un animal abattu et transformé dans un abattoir, mais vous pouvez avoir une venaison de qualité en appliquant des consignes de conservation adéquates.

N.B.
Plusieurs boucheries spécialisées dans la coupe et la transformation des gibiers ont fermé leurs portes. Les raisons sont multiples mais le manque de main d’œuvre et les nouvelles exigences du MAPAQ ne sont pas étrangères à ce phénomène. Il vaut mieux s’informer à l’avance de la disponibilité des boutiques de débitage. Plusieurs d’entre elles exigent maintenant un dépôt.

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